La mode est-elle vraiment futile ?
MARIE JOSÉ MONDZAIN La mode est apparemment frivole parce qu’éphémère, mais elle est inséparable des enjeux économiques, politiques, et aussi des enjeux subjectifs concernant l’image de soi dans l’espace public et dans le regard des autres. La mode est donc un phénomène qui a sa gravité.
Devons-nous la suivre?
La mode, c’est une adaptation entre deux désirs contradictoires. D’abord, être conforme, c’est-à-dire ne pas être en marge, se construire une légitimité. Ensuite, le plaisir d’être original, distinct. C’est un réglage délicat entre les deux. Nous devons jouer entre un conformisme rassurant et une originalité valorisante. Il ne faut surtout pas qu’un de ces désirs prenne le pas sur l’autre…
Mais la mode a beaucoup asservi les femmes…
Oui. Le pouvoir masculin a construit la coquetterie des femmes, parfois au prix des pires souffrances, comme celles imposées par l’armature métallique des corsets. Il n’y a plus de corsets aujourd’hui, mais la mode peut agir comme un corset immatériel sur les corps (comme par exemple lorsqu’on impose une maigreur extrême aux femmes). Elle a soumis les femmes, puis elle les a libérées. Mais le combat n’est pas fini! L’histoire de la mode est aussi une histoire de guerre.
Vous montrez que la mode envahit la politique…
Le pouvoir a toujours aimé le spectacle de sa puissance, mais la mode aujourd’hui est inséparable des industries du spectacle et de la communication. Les médias montrent les Rolex, les Ray-Ban, les sacs Prada et autres colifichets des personnalités au pouvoir. Sarkozy aime faire vitrine. Comme Louis XIV, il dissimule ses défauts grâce à Carla Bruni, starlette fabriquée de la tête aux pieds. Le costume de Sarkozy, c’est sa femme.